Les Nouveaux Héritiers
La classe politique en recomposition devrait se confirmer dès les législatives de juin prochain avec l'émergence du nouveau face à l'ancien, les derniers Mohicans ayant entonné leur chant du cygne avec la
présidentielle de février.
Les élections législatives de juin 2012 devraient accentuer la transition observée depuis quelque temps entre l'ancien et le renouveau socio-politique qui se dessine depuis la fin du premier mandat de Me Wade. La restructuration sociale du paysage politique entrevue à partir de 2007 devrait se confirmer avec ces élections dont les précédentes, les Locales de 2009, avaient créé un réel choc social avec la cohabitation forcée imposée au pouvoir libéral en place depuis 2000 : le passage de relais générationnel entre le dernier des Mohicans (Wade) et ses adversaires et compagnons historiques (Dansokho, Niass et, dans une moindre mesure, Ousmane Tanor Dieng) se joue avec la présidentielle du 26 février prochain, dernier acte majeur de cette race en disparition qui a d'ailleurs, de manière plus ou moins voilée, annoncé son départ du champ politique actif : le leader du Parti de l'Indépendance et du Travail a cédé le fauteuil, pour se contenter d'un rôle national de sage, les secrétaires généraux de l'Alliance des Forces de Progrès et du Parti socialiste ont entonné le chant de départ, Wade lui-même devrait consacrer son prochain mandat à la transition avec la mise sur pied d'une équipe de technocrates appelés à mieux concrétiser sa vision du Sénégal.

Les élections législatives de juin 2012 devraient accentuer la transition observée depuis quelque temps entre l'ancien et le renouveau socio-politique qui se dessine depuis la fin du premier mandat de Me Wade. La restructuration sociale du paysage politique entrevue à partir de 2007 devrait se confirmer avec ces élections dont les précédentes, les Locales de 2009, avaient créé un réel choc social avec la cohabitation forcée imposée au pouvoir libéral en place depuis 2000 : le passage de relais générationnel entre le dernier des Mohicans (Wade) et ses adversaires et compagnons historiques (Dansokho, Niass et, dans une moindre mesure, Ousmane Tanor Dieng) se joue avec la présidentielle du 26 février prochain, dernier acte majeur de cette race en disparition qui a d'ailleurs, de manière plus ou moins voilée, annoncé son départ du champ politique actif : le leader du Parti de l'Indépendance et du Travail a cédé le fauteuil, pour se contenter d'un rôle national de sage, les secrétaires généraux de l'Alliance des Forces de Progrès et du Parti socialiste ont entonné le chant de départ, Wade lui-même devrait consacrer son prochain mandat à la transition avec la mise sur pied d'une équipe de technocrates appelés à mieux concrétiser sa vision du Sénégal.
Le péril jeune qui a traduit la volonté populaire ne s'étendra cependant pas au sens littéral du terme : la restructuration du champ politique aidera à liquider la pléthore de formations jaunes sans prise sur le réel autre que d'être des quotataires de riches qui les satellisent ; ce péril jeune fera un clin d'½il aux anciens (les majors, l'éternel clivage "Libéraux-Socialistes", et la gauche marxiste d'antan : le Pds et ses démembrements que sont sont Macky Sall, Idrissa Seck et, dans une moindre mesure, Aminata Tall, et le Ps et ses dérivés, l'Afp principalement). Subsidiairement, on verra se maintenir les formations historiques anarcho-communistes qui ont permis une bonne analyse de la société. Quelques puînés en réchapperont également, pour traduire la volonté de renouvellement du champ politique. C'est en tout cas entre ces pôles socio-politiques que devrait osciller le vote utile lors des prochaines législatives, les puînés étant plus des parasites ayant des soucis de survie que de dignité programmatique.
Les populations sénégalaises avaient accentué la segmentation de la société en 2009 en réaffirmant leurs angoisses face au pouvoir tentaculaire aux allures monarchiques des Libéraux : en armant la principale opposition face à Wade, elles entendaient manifester le souci d'un contre-pouvoir que devaient jouer malgré eux ceux qui pouvaient gêner le pouvoir libéral (l'opposition réelle dite significative). Les populations sénégalaises d'ici et de la diaspora avaient commencé de manifester leur défiance dès 2007, à la suite de la victoire-surprise (au premier tour) du candidat sortant avec la révolte des ambulants, et en faisant montre d'une nouvelle intolérance face au président de la République et la gestion du quotidien : l'espace social devenait plus difficile encore à gérer ; le rêve espéré (l'illusion) pendant les années d'opposition (de braise) s'est révélé peu conforme à la réalité de l'exercice du pouvoir, d'où une crise de langueur que l'on avait espéré régler en 2007, en vain : au pouvoir, Me Wade a exercé loin des populations réelles, loin de son propre parti ; ainsi, le Pds était aux affaires sans avoir de pouvoir, au bénéfice de ses adversaires d'hier, ce qui n'arrangeait pas la morosité ambiante.
En différents endroits endroits du territoire national (Kédougou, Tambacounda, Podor) et sous différentes formes de lutte, les populations on exprimé leur mal-vivre.
Le hiatus politique entre emphase et spleen s'est également retrouvé au niveau social avec une fracture fraternelle là où existait jusqu'alors l'entente sociale la plus cordiale fragilisée par le fort penchant religieux du chef de l'État qui a engendré des frictions là où coexistaient harmonieusement les confréries religieuses de toutes obédiences.
Le souci d'équilibre, de justice et d'équité espéré avec le Pape du "Sopi" depuis plus de vingt ans (en particulier à partir de 1988) s'est heurté à un environnement économique hostile avec le surenchérissement du coût de la vie, de la flambée du prix des matières premières et des émeutes de la faim de 2008 se diluant dans les difficultés connues des populations sénégalaises et que le président de la République reconnaît lui-même : dans son discours de fin d'année, ses premiers mots auront été de reconnaître les affres de l'année (2009) qui s'achevait : le père social, avec le PR politique, perdait la puissance qui légitimait son autorité : la puissance de l'argent.
Pire, le facteur de réification de l'ordre social connaissait une poussée adrénaline.
Élément déterminant et régulateur du jeu social, la religion a en effet choisi ces périodes pour ne pas travailler en dehors des hommes, et s'est décidée à participer à la vie de la société et au choix des hommes de la temporalité. (Cf. le phénomène Dias et Gorée, malgré une loi non écrite d'aider à la représentation de toutes les confessions dans différentes structures administratives, diplomatiques et autres).
Les différentes crises entre le religieux et le politique, depuis environ la disparition du cinquième khalife général de Borom Touba, dernier rempart spirituel solide de Me Abdoulaye Wade, rejoignent de peu la théologie de la libération et proposent non seulement de libérer les pauvres de leur pauvreté, mais en plus d'en faire les acteurs de leur propre libération : l'Eglise dénonçait déjà par ce biais le capitalisme, la cause de l'aliénation à la pauvreté de millions d'individus.
Dans la réalité, la religion, la politique, la culture, en fait l'activité sociale normée elle-même a été prise en otage par la société qui lui a imposé une quasi rupture de vocation : au début des années 50, l'étude de la société s'est trouvée accélérée par la fin de la Seconde guerre mondiale « lorsque des catholiques progressistes s'éloignent d'un catholicisme conservateur, au profit d'une voie dans laquelle l'action politique apparaît comme une exigence de l'engagement religieux dans la lutte contre la pauvreté », relèvent les Encyclopédies. La théologie de la libération voyait alors le jour en Amérique latine, base de l'étude du changement social dans les pays sous domination avec la naissance des Amin, Cardoso et autres en 1968 ; « elle a pu établir des ponts avec le marxisme, utilisé en tant qu'instrument d'analyse et d'observation de la société - bien que la plupart de ses tenants s'en soient par la suite distancés, prônait la libération des peuples et entendait ainsi renouer avec la tradition chrétienne de solidarité », ajoutent les écrits.
Cette évolution s'est manifestée au Sénégal avec les ajustements imposés depuis près de trente ans de privations socialistes qui ont favorisé de nouvelles segmentations de la société sénégalaise avec une paupérisation qui n'allait pas forcément vers le bas peuple. Cela s'est vérifié avec le mouvement « Présence Chrétienne » et aussi avec les Imams de Guédiawaye : l'engagement des uns et des autres est né avec l'électricité et, plus généralement, les difficultés de la vie.
De la réification de l'ordre social, la religion est ainsi devenue depuis quelques années un lieu d'éveil et d'évolution des mentalités des fidèles incités à participer à la vie de leur milieu social. Le Sénégal s'est distingué dès le début des années 90 avec l'évêque de Kaolack d'alors, Mgr Adrien Sarr, qui a animé le puissant mouvement « Présence Chrétienne » ; désormais, l'Église n'attendait plus les fidèles sur le parvis : bien au contraire, elle allait à leur rencontre et discutait de leurs soucis quotidiens, loin de la nef.
La récente immixtion des Imams de Guédiawaye dans la vie publique, les complaintes angoissées de l'Église au Sénégal, surtout courant décembre 2009, sont aussi constitutives d'une réalité émergente d'une religion sortie des mosquées et des églises à la rencontre des fidèles appelés à refuser une situation de précarité que rien ne semble justifier, aux yeux des responsables religieux, que la boulimie ou la cécité du pouvoir nouveau.
Depuis les Locales de 2009, les populations ont pris les politiques en otage et se sont imposés à eux par une présence marquée (société civile, mouvements associatifs,etc.) par le jeu des « Assises nationales » ; l'échec de réunification et le phagocytage des formations politiques avec l'éclatement du « Benno » conduiront-ils à une nouvelle forme d'activités politiques qui se ferait en dehors des politiques professionnels pour voir la société s'ériger finalement en seul contre-pouvoir ? Tel serait l'enjeu social des prochaines législatives de juin. Avec de nouveaux héritiers, socialement légitimés pour entamer une nouvelle bataille.
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